vendredi 21 décembre 2018

Poème @Bleue, Hors bord

Hors bord

Il y a des espaces partout
il suffit de regarder
il y a des espaces partout
et pourtant
ils sont enfermés
inaccessibles
derrière des barreaux, des grilles, de hauts murs
des limites défendues
et je suis de l'autre côté
c'est comme un ruban d'asphalte
mouvant
un tapis roulant qui a le hoquet
et lorsque je trébuche
je ne trouve pas la sympathie
les espaces restent clos
vides
mais ils appartiennent
c'est l'essentiel
paraît-il

dimanche 9 décembre 2018

Poème @Bleue, L'étranger

L'étranger

Un étrange manège
avec des mots étranges
un étranger marche sur ma plage
son ombre est celle d'un étranger

 Il s'éloigne de l'océan et disparaît

J'ai perdu ma toupie
et mes jouets qui tournent
ma boule bleue ne sait plus et s'entête ;
sa rondeur est celle d'un ancien monde

Il est derrière moi sur ma tempe

Une étrange rotation
avec des sueurs étranges
un étranger marche sur ma peau
son corps n'est pas celui d'un étranger

Il me prend l'épaule et attrape sa poche

J'y ai vu une boussole
et des objets qui pivotent
ma tête s'oriente et s'enroule comme un chat ;
son ovale est celui de nouveaux confins

Il a les yeux noirs et le regard clair

Je ne suis plus une étrangère
mon ventre s'arrondit

dimanche 25 novembre 2018

Poème @Bleue, La machinévou

La machinévou

Tu ouvres la machine
tes mots y sont
tu as lâché les mots d'hier
des chiens qui hurlaient
ils ont mangé leur muselière
"Taisez-vous !"

Tu ouvres ta bouche en regardant la machine
des mots violents s'échappent
tu as dans les deux mains
les laisses qui les maintenaient
elles ont cédé leur retenue
"Où êtes-vous ?!"

Tu fermes la machine
vos mots ne sont pas là
vous n'avez rien lâché, vos mains sont vides
j'entends un chien qui ne me laisse pas le temps
vous n'avez rien mangé et vous ne cèderez pas je le sais
"Après vous."

samedi 17 novembre 2018

Poème @Bleue, de à de

de à de

Au centre de la pièce à six faces
une table ronde à trois pieds de
mes deux mains qui tiennent
délicatement une feuille de
papier rectangle
sous trois tubes de
verre remplis d'eau
et sur le bord de
la nappe à dérouler
des mètres en cube de
centilitres à la ronde
sans bulle à niveau de

une nature morte de
peintre à l'essai
qui tente à l'intérieur de
la toile
la boîte aux dés
le un sera de
si vous passez au milieu de la pièce
il n'y a ni plafond ni sol de
quelque soit la saison
il n'y a ni angle ni degré de
il fait chaud, il fait froid
il n'y a aucune mesure de
grandeur ou de dimensions
ni échelle, ni petits traits gradués de
repères auxquels s'accrocher
il dessinera sur le dessus trois ronds de
qui s'allongeront ou diminueront
suivant l'angle du monde

mercredi 24 octobre 2018

Poème @Bleue, Le pendentif

Le pendentif

Entre les matières grasses d'une terre
labourée autrefois par les troupeaux
une femme marchait sous la lune
les pierres noires avaient séché
portant les nombres impairs
de leurs ongles en pied de sabot
un pendentif

La crue avait renversé la colline
et dans son ventre, elle entendait
la louve blanche qui marchait sous la lune

Elle se mit à pivoter
comme tourne parfois la tête
après avoir trop bu
et pour garder l'équilibre
elle se mit à chanter
les couleurs et les chiffres

Un ballon de vin rouge
qu'elle gardait précieusement
avec à l'intérieur
entre ses deux poumons
une tresse et des herbes couchées

Qu'elle accrocha un mois d'octobre
avec trois mots
après s'être baissée pour ramasser le pendentif
qu'ils avaient soulevé un matin gelé

mardi 9 octobre 2018

Petites histoires @Bleue, Juste un sac

Juste un sac

Dans un sac
une clef
une porte et derrière
un appartement
un immeuble
une rue, qu'elle soit pignon ou arrière-boutique
un quartier, qu'il soit de lune ou d'orange
une ville, trois âmes ou métropole
un département
une région
un pays, qu'il soit bleu, blanc, rouge ou sans couleur
un continent
une planète
un océan
une galaxie
une autre galaxie




"Et après les galaxies, je ne sais pas. Faut-il qu'il y ait toujours un après, après tout.

En tout cas, j'ai bien aimé gratter ces mots devant la porte du transfo
                    et derrière une simple clef, c'est vrai, il y a tout cela, surtout les galaxies

mais, je n'ai pas de sac.
Et après !

Ca vous dérange les gens qui passaient ? Bien sûr que non, vous vous en foutez, vous me regardez même pas, les tousseux, les tous ceux-là et les autres !?

Je suis un vagabond, un fainéant Monsieur le Président mais, si le blanc n'existait pas, qui dirait que le noir existe, un extrême Monsieur le Président, je suis un vagabond qui aime le rouge et le blanc, et gardez votre petit noir bien serré, on ne sait jamais, une tâche de café, un cynique Monsieur le Président, je vous demande pardon, je vais travailler, je vais m'équilibrer, je vais répéter les mots qui vous plaisent, je ne serai plus un vagabond Monsieur le Président, je ne vous dérangerai plus, je serai la machine qui dit oui comme cette foutue poupée, je crois mais, si vous pouviez Monsieur le Président me donner juste un sac.

Je foutrai le camp juste après, les galaxies."
Justin Sac.

Petites histoires @Bleue, L'avion

L'avion

17:30 précises
Les roues frottent la piste de l'aéroport
A quatre kilomètres de Rome

Ca y est, j'y suis


Elle m'avait donné rendez-vous.
J'ai pris le premier avion.
Je me suis répété les mots.

- Bonjour Clara, toujours aussi belle. Alors dis-moi, quoi de neuf à Rome ?
- Bonjour ma Clara, tu es toujours la plus belle. Comment va Rome ?
- Bonjour ma belle, tu vois, tu m'as appelé, je suis là.

Ça ne va pas et puis "Bonjour", il fera peut-être nuit et puis, ça fait neuf ans.

- Clara, tu es toujours aussi belle. Rome te va bien.

Et puis tu le sais mais, j'aime tellement donner à mes lèvres la forme de ton prénom, Clara.

L'avion.
Je vois la piste.
Il fait bon.

- Vous êtes Edmond ?
- oui c'est moi. Où est Clara ?
- elle ne viendra pas
- comment ça elle ne viendra pas et qui êtes-vous d'abord ?!
- je ne suis personne
- où est-elle ?
- suivez-moi
- mais c'est quoi cette cohue dans le hall ?
- je vous l’expliquerai tout à l’heure, mettez votre valise dans la voiture.

Je voulais revoir Clara au plus vite et j’étais inquiet. Et puis les militaires sont arrivés de partout. Du sang et des cris, des hommes qui courraient et des femmes qui ne bougeaient plus, le feu et des explosions, des flammes et une vision d’enfer. La voiture s’éloignait vite, elle s’enfonçait vite et nous sommes arrivés dans un village entouré de petites montagnes et de lacs. Il ne faisait pas encore nuit, j’allais pouvoir lui dire « Bonjour ».

- Bonjour Monsieur Rosemonde
- mais c’était quoi ? Un attentat ? Et où est Clara ?
- Monsieur Rosemonde, doucement, calmez-vous s’il vous plaît, le monde n’est pas aussi rose que votre nom n’est-ce pas, non pas que je ne voudrais pas mais simplement parce que vouloir n’est pas suffisant
- faudrait-il que je change de nom pour éviter de lui donner des illusions ?
- ma foi non
- où est Clara à la fin ?
- je voudrais d’abord m’entretenir avec vous. Vous êtes ingénieur, vous avez étudié les particules, le temps qui nous traverse, j’ai besoin de vous et de vos connaissances, nous pourrions travailler ensemble pour qu’il le devienne
- un monde rose.

L’endroit est beau, Clara aime les lacs et les montagnes. Comment s’appelle ce petit village déjà, dans le Sud, perché avec les nuages ? Nous y étions allés un été de jeunesse. Clara. Je sentais déjà à l’époque que le noir te remplissait, je savais déjà qu’il me serait difficile d’y changer quelque chose mais, tu m’as rappelé et maintenant ce prophète devant moi ?! Mais c’est qui ce type, mais c’est quoi tout ça ?

- Monsieur Rosemonde. Seriez-vous d’accord ?
- je veux voir Clara maintenant !
- mais, vous savez tout comme moi, inutile de vous cacher Monsieur le Français des Droits de l’Homme. Le Monsieur qui vous a accueilli à l’aéroport vous l’a dit, il n’est personne, elle n’était personne et cette cohue puis cette bombe, c’était sa signature. Vous imaginez, la signature de personne au journal du Monde, ils sont le Mouvement. Pour un monde rose. Voulez-vous rejoindre le Mouvement Monsieur Personne ?
- vous êtes un fanatique, un assassin, vous avez détruit Clara, vous détruisez au nom de je ne sais quelle rose, vous utilisez les faiblesses, les peurs, votre odeur me répugne. Je construirai cette bombe qui fait battre votre cœur, si forte et si puissante, un jet de lumière comme jamais auparavant et vous emporterez dans votre explosion les extrêmes du monde et la Terre se soulèvera pour respirer à nouveau, le ciel sera rose et le artistes, les peintres, les poètes le feront vivre beau
- Monsieur Rosemonde, je pensais que vous comprendriez, que vous embrasseriez ma proposition, que vous emboîteriez son pas mais, je constate que vous n’êtes pas personne et ne le serez jamais, vous êtes quelqu’un, vous êtes un rêveur et je le regrette.

La pièce est sombre, il me dit que demain sera ma mort, qu’il me reste une nuit avant l’exécution, que je n’ai pas compris, mon éducation, mes manœuvres, mes conditions, mon enveloppe, ma tête et son conditionnement, un corps trop lâche, je vais mourir pour être en accord avec mes possessions qui disparaissent et je dors à même le sol, une terre battue et les parois sont griffées et je lis les noms, j’ajoute le mien.

Un morceau de pierre
et mes lettres sur un mur
Edmond Rosemonde


Le poète a toujours dans sa valise, un crayon derrière l’oreille.
Clara est morte, page 338 d’un livre que je n’ai pas écrit.
Je suis mort demain.
Au journal du Monde.
Silence.

mardi 2 octobre 2018

Poème @Bleue, sans titre 2

J'ai pensé
    un voilier sur mon bras
        une veine près de la gorge
            qui criait à grands sanglots
                un morceau de tulle

                                                 Mes sept collines saignent

J'ai ramassé
    un corps sur mon navire
        une coupe près de mon aorte
            qui buvait à grande peine
                un morceau de linceul

Tu te souviens
    un tatouage
        un défilé entre les montagnes
            des promesses
    un tatouage
        une cérémonie entre les souvenirs
            des chagrins

                                                 Mes sept collines sont mortes

Poème @Bleue

dimanche 30 septembre 2018

Poème @Bleue, Mes automnes

Mes automnes

La main droite
sur la table ronde en bois de la cuisine
une carte à jouer
le pouce se pose sur son dos
les lignes forment des carreaux
du noir et un vieux marron
la faire glisser sur le bord
la pince est complète
l'autre main se déplace
la carte voyage
une autre pince
la main libre tourne son destin vers l'ampoule
la poser en douceur sur son majeur
resserrer l'index et l'annulaire
la carte s'immobilise
c'est le moment
une rotation vers la gauche
elle est démasquée
blanche
un crayon
je dessine
feuille rouge
miel et brindilles
un feu de cheminée
l'automne vient de se lever
quelque part
je joue ma dernière carte

Poème @Bleue

lundi 24 septembre 2018

Leurs and my time, René Guy Cadou

Leurs and my time : c'est l'heure, j'attrape un de leur poème, je récupère une partie de leur vie et j'écris un poème @Bleue.

René Guy CADOU (1920 - 1951 > 31 ans)

Né un 15 février à Sainte-Reine-de-Bretagne, il grandit dans une ambiance de vie paysanne. Puis viendra à 7 ans à Saint-Nazaire la découverte de la ville et du cinéma populaire. La mort de sa mère Anna en 1932 plongera l'adolescent dans une mélancolie profonde. La nostalgie de Sainte-Reine et de cette enfance terrienne, végétale et heureuse, mais aussi la ville et sa vie ouvrière, et la mort hanteront plus tard sa poésie comme dans l'un de ses poèmes célèbres "Les fusillés de Chateaubriant", qui revendique dans ce ton si personnel de sa poésie, la liberté, l’amour, la fraternité des hommes contre la barbarie. En 1943, débute une correspondance poétique et amoureuse avec Hélène Laurent (1922-2014), poète. La maladie l'emporte dans la nuit du 20 mars 1951.

Les amis d'enfance

Je me souviens du grand cheval
Qui promenait tête et crinière
Comme une grappe de lumière
Dans la nuit du pays natal.

Qui me dira mon chien inquiet,
Ses coups de pattes dans la porte,
Lui qui prenait pour un gibier
Le tourbillon des feuilles mortes

Maintenant que j'habite en ville
Un paysage sans jardins,
Je songe à ces anciens matins
Tous parfumés de marguerites.


Ta flèche où que je sois

Je me souviens des essaims d'ablettes
Qui brillaient carapace et écailles
Comme un navire aux allures animales
Dans l'anse de la rivière à facettes.

Qui me chantera le pré humide,
Ses fleurs de graminées entre les doigts,
Lui qui prenait pour des rapides
La traversée des galets et des bois

Maintenant que j'oublie mes tripes
Un visage sans souvenir,
Je noie mes chagrins-alunir
Tous embrumés de mes bribes.

Poème @Bleue, Ta flèche où que je sois

jeudi 20 septembre 2018

Poème @Bleue, Elle m'ébleuit

Elle m'ébleuit

un bleu méthane
elle m'étonne
un bleu ciel
si elle veut
un bleu roi
devenir reine
un bleu céleste
elle sait l'être
un bleu persan
à sans pour-cent

dimanche 16 septembre 2018

Citation, Arthur Schopenhauer

Si la philosophie est restée si longtemps effort vain, écrit-il, c’est qu’on l’a cherché sur le chemin des sciences au lieu de la chercher sur le chemin de l’art.

L’originalité de Schopenhauer, c’est qu’il nous propose de changer la direction de notre attention. Le philosophe a ressemblé jusqu'ici « à quelqu’un qui ferait le tour d’un château pour en trouver la porte et qui, ne la trouvant pas, dessinerait la façade » mais c’est qu’il n’a pas fait attention que chaque fait est une porte et que ce château mystérieux est en vérité une Thèbes aux cent portes; seulement, bien loin de lier les représentations les unes aux autres, il faut les isoler, s’arrêter à chacune d’elles; le mouvement qui nous emporte de l’une à l’autre (et qui nous est nécessaire pour vivre: car notre vie dépend de notre prévision de l’avenir, et cette prévision, du lien des faits entre eux) doit s’arrêter. Il n’y a rien de mystérieux dans cet arrêt ; il se produit chez tout homme, dès que le besoin de vivre est momentanément satisfait ; alors l'homme se repose, et avec l’arrêt commence l’étonnement, l’inquiétude ; il s'étonne de l’existence ; il s’étonne de la mort ; il s'étonne de souffrir.

Arthur Schopenhauer

samedi 15 septembre 2018

Poèmes @Bleue, Juste après l'article 22

Juste après l'article 22

                                                                                

                                                           Je vais poser du silence
                                               

                                                                                            pour ce nombre

                                                                    un lien
                                                                    un collier peut-être
                                                                    un boulier

                                                                                            la vingt deuxième
                                           une prière
                                           un bouclier
                                           et un cordon de chanvre


*** *** ***
                                                                                            Bleue
                                                                                            planète de feu
                                                                                            vingt deux

                                    les chiffres d'une naissance
                                    2+2+1+0+1+9+7+0
                                    les chiffres d'un nom
                                    ALLIX, 1+3+3+9+6

*** *** ***

                                  
                                    Je marche avec des symboles
                                                                                            cathédrale
                         pierres froides sur mes clochers en sueurs
                                                                                                         arcane
              mat invisible, pilier sous l'arche de la sagesse et de mes folies
                                                                                                                    titane
     métal léger sur mes alliages, mélanges de rouilles et de pages blanches
                                                                                                                            silence

vendredi 14 septembre 2018

Poème @Bleue, Les grandes dunes

Les grandes dunes

Le château de mes pensées
est dans le sceau de cet enfant rieur
il prend la forme de ce qui l'entoure
et tremble à peine construit
l'autre enfant est moins rieur
et de son râteau
il vient parfois faire de moi
une masure sans contour
et
un paysage à créneaux
mâchoires hachurées
dents percées
cartes sciées
me voilà perdue
attendant
la prochaine marée
mal de mère oubliée
sur la plage de mes quarante cinq années
je dessinerai mes éphémères
je les prendrai en photo
et les brûlerai aussitôt
pour les voir fondre
sous l'effet des eaux
sous l'effet du feu
et dans un grand bol d'air
je me glacerai tout au fond
je me réchaufferai tout en haut
une eau se vide
un souffle s'éteint
j'aurai vécu plusieurs vies

mardi 11 septembre 2018

Poème @Bleue, J'ai pensé

J'ai pensé

Cette saison
le vent
et les flots à l'envers

J'ai pensé : "vas-y, fais le vite,
efface le temps pour qu'il se plisse,
vas-y, souffle plus fort,
que je puisse attraper deux trois vagues
et les coudre."

C'est le temps qui se glissera à l'intérieur
un sable fin du bord des saisons
un revers d'amain
mon angevin
un ourlet finement cousu
qui se remplira
des poussières qui nous rencontrent

Et puis un son
le temps pleurait
il avait peur

J'ai pensé : "tu y es presque, continue,
souffle, souffle encore plus fort,
il se replie,
il sait qu'il va finir sa vie entre mes plis,
et les épices pour lesquelles je me battais
vont se dissoudre
et le flacon qui les contenait,
forme divine,
va se briser
et le morceau qui disparaît
ne sera jamais remplacé."

Mais cet été va mourir
je le croyais pris au piège
Il a brisé l'aiguille qui pendait autour de mon cou

J'ai pensé : "pourquoi tu continues de souffler,
pauvre fou,
veux-tu que je te pique ?
mais tu ries !
tu as raison,
mes coutures n'ont pas tenu
et mes cicatrices ne s'effacent pas
elles s'agrandissent,
mais tu continues ?
tu me nargues ? tu te moques ?
c'est donc toi que j'entendais !
et tu me réponds
je deviens folle
que le temps n'existe pas pauvre folle."

Et puis des silhouettes sur une bateau à vapeur
avec des chapeaux et de grandes robes
peut-être un voyage à travers le temps
ma pauvre tête à l'envers
avec des balconnières
les fleurs séchées qui ornaient les salons ont rejoint le feu
des balconnières fraîches, rouges
que cet été meurtrier aura épargné
parce que ma main les aura protégées
d'une ombre animale
qui savait
malgré moi
malgré mes envies de tempêtes
qu'après l'été, que je retenais en vain,
il y aurait cet autre automne qui n'existe pas encore
je le sais le vent
le poète à l'arrosoir
et les balconnières promettent des graines
que le vent ira semer où bon lui semble

Mes épices auront brûlé
mais le flacon infirme continue de me boire
il se reconstitue après chaque été mort
amputé
il se reconstruit
plus petit
matière arrachée

Et les hirondelles s'attroupent et les fils balancent
il n'en faut pas plus pour sentir le vertige et la trahison
des images en arrière
des images d'archives désormais
avec des arrêts parfois
comme si j'avais à portée de ma main nouvelle
un bouton pour relancer le film des minutes vers l'avant

J'ai pensé : "il y avait du vent dans mes cheveux d'autrefois, dans mes cheveux d'avant."

J'ai pensé : "n'aies pas peur de lui,
regarde ta balconnière
ta peau en sueur
ta naissance
regarde bien
et le vent te dira que tu n'es plus folle
l'été n'est pas perdu."

J'ai pensé encore : "lance une pièce de monnaie
mais,
je ne l'ai pas fait,
ce vent,
le malicieux,
aurait été fichu de la poser sur la tranche."

Je n'y pense plus à présent. Il pleut enfin.

vendredi 7 septembre 2018

mardi 4 septembre 2018

Poème @Bleue, Rail


Rail             (Crédits : FOTOMELIA / Par SOSOA)
Un long chariot qui avance en traversant les époques
cheval
trait
oiseau du ciel
avion
aviateurs
un carreau de pluie
des traverses et des rails
je marche
j'attraperai le dernier métro
le chariot se remplit
mais où va-t-on ?
des chevaux
des vitesses
un virage
et des portes fermées
le vent glissera par le soupirail
et emportera ses cheveux d'ange
des manettes
et des piles à moitié usées
une ligne à grande vitesse
et des grèves pour mieux voir les bateaux
voile
derrière
se cacher et disparaître
un mur
et des balles qui sifflent
un train
un enfer
et des barreaux qui ne veulent pas plier
le vent claquera la porte
et pincera son rire du bout des doigts
aïe
que vaille
il est dix neuvième
il est vingtième
il est avant
il est après
vaille
ballot de paille
bonhomme immobile
corbeaux
le chariot devient charrette
un chapeau
ah ah bravo
le vent arrachera mes brins, mes cheveux et mes rires
et je quitterai le rail en regardant monter les suivants

dimanche 2 septembre 2018

La couleur Bleue, par Alisonne Sinard


Le bleu, cette couleur rapide, ironique ou infinie pour Klein, Asse et Hockney

https://www.facebook.com/bleu.dhelix/posts/841462486041286?__xts__%5B0%5D=68.ARAXbRRC8601kCcjMafrRSZfvG4Q3BP3ASq2CP7EeR7PcM1FwH0qcBKkRPgZvEg40kQrPOqiaoEaTSDO0gvvQolJEBml9AmQ6UjjekRhjlJMynvqh70RS-KmLMjIcCUHamHByNU&__tn__=-UC-R

Yves Klein



Musée d'art Moderne de Nice, Bleu
Crédits : J-M EMPORTES / ONLY FRANCE - AFP







Geneviève Asse

"Le bleu a quelque chose de rapide. Il passe, dans les nuages, dans l'espace. C'est une couleur qui bouge. Il y aussi une sorte de transparence, aussi bien dans la pluie, dans un mur. Pas un monochrome. C'est une couleur qui bouge, c'est-à-dire qui vibre. Il y a toujours le geste du peintre qui fait bouger ce bleu et qui fait un appel pour y rentrer."

David Hockney

 "Ma fascination pour l'eau est née ici, avec toutes ces piscines. Mais je me suis toujours aussi posé aussi la question : comment peindre l'eau ? Comment peindre quelque chose de transparent ?"

La poésie, c'est quoi la poésie @Bleue ? VO.2.A

La poésie, c'est une table avec quatre pattes et un plateau, la poésie, c'est quand tu t'assois dans la pièce où se trouve cette table.

La poésie, c'est quoi la poésie @Bleue ? VO.1.A

La poésie, c'est quand tu prends ton couteau sur ton bateau, la mer s'épaissit et devient de la confiture.

mercredi 29 août 2018

Nuit de l'écriture @Bleue, Le syndrome des cigognes

Tout d'abord, je tiens à préciser que cette nuit de l'écriture est extraite du forum Mot à Mot dont je suis membre depuis 2014 et que je remercie infiniment d'exister.



"La cage se referme doucement."

C'est comme ça que ce livre se termine. Il y a des extraits qui traînent ici et là sur internet.

"Laura n'avait pas son pareil. Elle aimait tout particulièrement entrer dans la vie privée des personnes qui l'intriguaient. Elle était allée à cette soirée pour célibataires. Elle ne l'était pas mais le thème avait quelque chose d'original - Elle voulait faire un bébé toute seule ! Elle y avait rencontré Paul, un gars qui présentait bien sur lui, un sourire ravageur et des gestes qui glissaient comme un charme envoûteur. Les filles ne pouvaient s'empêcher de tourner autour de lui mais il semblait savoir ce qu'il voulait et quand je me suis approchée de lui, il a détourné son regard de cette grande brune pour me suivre vers le bar qui offrait une fleur et un carton d'invitation. Il s'est empressé d'attraper ma main pour me donner le sien et nous nous sommes assis au fond de la salle."

"Marius lui avait supplié de ne pas en tenir compte mais elle était partie.
- Tu croyais quoi ? Que j'allais fermer les yeux et faire comme si de rien !
- Laura, s'il te plaît, t'es pas facile non plus ! Tu disparais tout le temps sans rien dire, j'ai fini par croire que tu te jouais de moi et puis je t'ai vu aux bras de ce type
- quel type ?
- peu importe, je t'ai vu, j'étais fou de rage, je suis allé me vider la tête, j'ai bu un peu trop et cette fille était gentille, elle sortait d'une soirée décevante, nous avons commencé à parler et très vite, je l'ai embrassé, nous avions besoin de folie pour nous sentir vivants, nous avons couché ensemble, comme ça, sans réfléchir
- et la cigogne passera dans neuf mois !
- mais n'importe quoi !"

"En bas de la rue, il y avait ce mec qui vivait dehors avec son chien. Leurs gueules étaient déformées. Ses dents tremblaient comme si elles allaient se déchausser à chaque fois qu'il allait parler. Ses crocs avaient oublié de grandir et il semblait aussi inoffensif qu'un caniche malgré son impressionnante musculature. Il portait un grand manteau et lorsque je l'invitais à boire un café à la cafétéria du coin, il pouvait faire chaud, il ne le quittait jamais. Son chien attendait au pas de la porte en regardant attentivement les gens passer, j'avais vraiment cette impression. Ce mec aimait parler de la vie, avec beaucoup de philosophie et je lui racontais des morceaux de la mienne, à mon grand étonnement."

"J'ai trouvé dans ma poche un carton d'invitation, mon nom, une adresse de l'autre côté de la ville. Il était racorni, il sentait le bord de la rue."

Après tout, je ne peux pas empêcher mes lecteurs de graver sur la toile les mots que j'ai pris le temps de leur donner. Oui, je sais, c'est un peu, voir assez prétentieux et vous allez me dire que tout et n'importe quoi se trouve sur internet, ce n'est pas faux mais lorsque je lis leurs commentaires, ils sont sincères :

Ce livre est une réussite, les personnages sont captivants et l'intrigue parfaitement menée.

Le livre de l'année !

Il m'a été conseillé par un ami professeur et je ne regrette pas de l'avoir écouté, j'ai dévoré ce livre et j'attends avec impatience la séance de dédicaces prévue le mois prochain près de chez moi.

Bon, bien sûr, je ne vais pas vous mentir, certains n'ont pas aimé le titre ou la couverture mais, je dois vous avouer que je ne suis pas douée pour ça et j'ai fait appel à un programme. Et puisque je vous aime bien, je vous donne quelques autres extraits, histoire que vous puissiez la rabouter (j'adore ce mot).

"Ce matin, au-dessus du lac, les oiseaux aux longues pattes sont passées. Enfant, ma mère me racontait qu'elles étaient le signe d'un jour heureux. Je les ai suivies, elles volaient lentement, l'une d'entres elles s'est posée."

"- Allo !
- c'est Paul
- qui ça Paul ?
- Mister...
- vous connaissez Mister ?
- c'est le chien avec qui je vis Laura
- tu as un problème
- non Laura, j'ai une solution
- oh oh, tu m'intrigues toujours autant Paul, tu sais t'y prendre toi au moins !
- tu as le carton d'invitation tout racorni sur toi ? Puisque tu as jeté celui que je t'avais donné dans ce bar
- je ne sais pas... je crois oui... oui, je l'ai et alors ?
- vas-y, oublie Marius. De toute façon, il est occupé ailleurs
- je l'avais oublié bien avant cette fille de toute façon
- tu as vu les cigognes ce matin ?
- oui
- elle s'est posée ?
- oui
- c'est ton adresse. Tu as tous les symptômes
- mais de quels symptômes tu parles ?
- la cigogne que tu as vu, tu es la seule à l'avoir vu et je suis le seul a l'avoir vu."

Aux Éditons aléatoires.

Poème @Bleue, (été 2018.1)

Le banal a tout rempli.

Sur le bureau tu as sorti les verres
et une coquille prête à s'ouvrir.

Une faute de mauvais goût
avant l'ivresse
irréelle
du froid qui engourdit

encore.

(été 2018.1)

mardi 28 août 2018

Citations, Pierre Bourdieu et Nancy Houston

Quand je ne sais pas ce que je pense, j’écris.

Pierre Bourdieu


J'écris pour explorer ce que je ne sais pas penser.

Nancy Houston

Ecriture automatique @Bleue, SALES - big sis

Tout d'abord, je tiens à préciser que cette écriture automatique est extraite du forum Mot à Mot dont je suis membre depuis 2014 et que je remercie infiniment d'exister.



https://youtu.be/fZ1Jxef2hiE
                                                                       
Tes quoi, tes couacs, alone
t'es plus dans ma zone et

Tes quoique, t'es qui toi, alone
t'es trop monotone et
mais
tu sais
j'm'ennuie

Déchets, tes chairs, t'es cher
et t'es
chez moi
t'es plus ma faune et j'suis alone

Déveine, tes veines, t'es vain
et t'es
chez moi
t'es plus mon chrome et j'suis alone

T'es qui
t'es cher
t'es vain
alone
et puis j'm'enfuis
right

lundi 27 août 2018

Incas Yé @Bleue 25818.3

Il y a un écho qui meure
je l'entends qui pleure
c'est comme des ricochets qui s'enfoncent à jamais
25818.3

Extraits de lecture 100%, Ecrire

ÉCRIRE



Marguerite Duras, de son vrai nom Marguerite Donnadieu, est née en 1914 à Saïgon (alors en Indochine française) d'une mère institutrice et d'un père professeur de mathématiques qui meurt de dysenterie en 1921. En Indochine, la famille est ruinée et Marguerite rentre en France suivre des études de Droit. Pendant la guerre, elle participe à la Résistance et voit son mari, Robert Antelme, déporté à Dachau et revenir malade du typhus (elle en fera le récit dans un récit La Douleur paru en 1985). A la Libération, Marguerite Duras s'engage au Parti Communiste Français, en est exclue en 1950 mais continue de militer pour différentes causes comme la guerre en Algérie ou encore le droit à l'avortement. Cette année-là elle publie son troisième livre Un barrage contre le Pacifique, roman autobiographique qui sera adapté au cinéma. Elle-même se mettra plus tard à écrire des scénarios (Hiroshima mon amour en 1959) puis passera à la réalisation, adaptant ses propres livres (comme India Song en 1975). Elle écrit également des pièces de théâtre dès 1955 avec Le square puis viendront Des journées entières dans les arbres (1965) et aussi Savannah Bay (1982). Parmi ses livres clé on peut citer Moderato cantabile (1958), Le Ravissement de Lol V. Stein (1964) ou encore Le Vice-Consul (1966). En 1984, Marguerite Duras connaît un immense succès avec son roman L'Amant qui reçoit le Prix Goncourt. Malade de l'alcool depuis les années 80, l'écrivaine renouvelle les cures de désintoxication. Elle meurt à Paris le 3 mars 1996 à l'âge de 81 ans.

Texte sur le derrière de couverture :

"Il faut toujours une séparation d'avec les autres gens autour de la personne qui écrit des livres. C'est une solitude essentielle. C'est la solitude de l'auteur, celle de l'écrit. Pour débuter la chose, on se demande ce que c'était ce silence autour de soi. Et pratiquement à chaque pas que l'on fait dans une maison et à toutes les heures de la journée, dans toutes les lumières, qu'elles soient du dehors ou des lampes allumées dans le jour. Cette solitude réelle du corps devient celle, inviolable, de l'écrit. Je ne parlais de ça à personne. Dans cette période-là de ma première solitude j'avais déjà découvert que c'était écrire qu'il fallait que je fasse. J'en avais déjà été confirmée par Raymond Queneau. Cette phrase : "Ne faites rien d'autre dans la vie que ça, écrire." écrire, c'était ça la seule chose qui peuplait ma vie et qui l'enchantait. Je l'ai fait. L'écriture ne m'a jamais quittée."

Extraits de lecture 100%
:

Quand il y avait du monde j'étais à la fois moins seule et plus abandonnée.
P26

Ce bonheur-là, de mon fils, c'est celui de ma vie maintenant.

C'est curieux un écrivain. C'est une contradiction et aussi un non-sens. Écrire c'est aussi ne pas parler. C'est se taire. C'est hurler sans bruit. C'est reposant un écrivain, souvent, ça écoute beaucoup. Ça ne parle pas beaucoup parce que c'est impossible de parler à quelqu'un d'un livre qu'on a écrit et surtout d'un livre qu'on est en train d'écrire. C'est impossible. C'est à l'opposé du cinéma, à l'opposé du théâtre, et autres spectacles. C'est à l'opposé de toutes les lectures. C'est le plus difficile de tout. C'est le pire. Parce qu'un livre c'est l'inconnu, c'est la nuit, c'est clos, c'est ça. C'est le livre qui avance, qui grandit, qui avance dans les directions qu'on croyait avoir explorées, qui avance vers sa propre destinée et celle de son auteur, alors anéanti par sa publication : sa séparation d'avec lui, le livre rêvé, comme l'enfant dernier-né, toujours le plus aimé.
P28

Un livre ouvert c'est aussi la nuit.

Je ne sais pas pourquoi, ces mots que je viens de dire me font pleurer.

Écrire quand même malgré le désespoir. Non : avec le désespoir. Quel désespoir, je ne sais pas le nom de celui-là. Écrire à côté de ce qui précède c'est toujours le gâcher. Et il faut cependant accepter ça : gâcher le ratage c'est revenir vers un autre livre, vers un autre possible de ce même livre.

Cette perdition de soi dans la maison n'est pas du tout volontaire. Je ne disais pas : "Je suis enfermée ici tous les jours de l'année." Je ne l'étais pas, ç'aurait été faux de le dire. J'allais faire des courses, j'allais au café. Mais j'étais ici en même temps. Le village et la maison c'est pareil. Et la table devant l'étang. Et l'encre noire. Et le papier blanc c'est pareil. Et pour les livres, non, tout à coup, c'est jamais pareil.
P29

Et le bleu était du bleu innocent des yeux de certains de nos enfants.

Quand un livre est fini - un livre qu'on a écrit j'entends - on ne peut plus dire en le lisant que ce livre-là c'est un livre que vous avez écrit, ni quelles choses y ont été écrites, ni dans quel désespoir ou dans quel bonheur, celui d'une trouvaille ou bien d'une faillite de tout votre être. Parce que, à la fin, dans un livre, rien de pareil ne peut se voir. L'écriture est uniforme en quelque sorte, assagie. Rien n'arrive plus dans un tel livre, terminé et distribué. Et il rejoint l'innocence indéchiffrable de sa venue au monde.
P30

L'institutrice disait parfois ces trous étaient grands comme des chambres, parfois grands comme des palais, que parfois ils devenaient comme des couloirs, des passages, des développements secrets. Que toutes ces choses avaient été faites par les mains des hommes, bâties par elles. Que sur certaines argiles profondes on avait trouvé des traces des ces mains plaquées sur les parois. Des mains d'homme, ouvertes, quelquefois blessées.
- C'était quoi d'après l'institutrice, ces mains ?
- C'était des cris, elle disait, pour plus tard, d'autres hommes les entendre et les voir. Des cris dits avec les mains.
P93

- Comment sait-on cela que vous dites ?
- Comment on le sait, on le saura jamais... On sait. Sans doute parce que toujours on l'a su, toujours on a posé la question et toujours de la même façon on y a répondu. Cela depuis des milliers d'années. A chaque enfant en âge de raison on le dit, on apprend la nouvelle : "Regarde, ces trous, que tu vois, ils ont été faits par des hommes venus du Nord."
- Comme ailleurs on dit : "Regardez les pierres plates de Jérusalem, c'est là que les mères se reposaient à la veille de la crucifixion de leurs fils, ces fous de Dieu de la Judée que Rome jugeait criminels."
P94

 

dimanche 26 août 2018

La poésie, c'est quoi la poésie ?

LA POÉSIE

C'EST QUOI LA POÉSIE ?

J'ai envie de répondre à cette question en parlant de ce que la poésie n'est pas. 

Elle n'est pas un tableau qui s'affiche sur une paroi, elle n'a pas de fond.

Elle n'est pas une pièce de théâtre qui se joue sur un plateau, elle n'a pas d'acteur.

Elle n'est pas une musique qui s'entend sur une scène, elle n'a pas d'instrument.

Elle n'est pas une sculpture qui se dévoile sur un piédestal, elle n'a pas de forme.

Et pourtant, n'est-elle pas tout cela ?

Si je reprends le tableau, dans le fond, elle dessine dans les têtes tous les tableaux du monde.

Si je reprends la pièce de théâtre, elle est une actrice qui exprime des émotions.

Si je reprends la musique, elle est un instrument qui bat la mesure à sa manière.

Si je reprends la sculpture, dans la forme, elle est parfois de marbre, elle est parfois sensuelle.

La poésie, c'est indéfinissable.

PEUT-ON VIVRE SANS LA POÉSIE ?

Il faut alors imaginer un monde qui parlerait des choses avec un dictionnaire, avec des encyclopédies, avec des calculs et des lignes tracées, avec des phrases sans complément d'objet indirect.

Et dans ce monde, ne s'y mêleraient jamais la fleur dans les nuages, la mer entre les vagues, une mèche de cheveux et les oiseaux qui pleurent, ne s'y mêleraient jamais les inventions des enfants, les regards émerveillés devant les arbres qui grandissent, le bonheur de croquer une pomme et de ramasser un bouquet de violettes, ne s'y mêleraient jamais la possibilité de lire un dictionnaire à l'envers, d'arracher une page à cette encyclopédie pour la caler dans celle d'à côté, de découvrir une nouvelle formule et des lignes en pointillés, avec des phrases dont les silences sont des suspensions. Dans ce monde, il n'existerait qu'une seule couleur, une seule conduite, un seul pas, comme une envie de dictature.

Mais, le monde n'est pas une machine à laquelle il suffirait de remplacer un écrou quand celui-ci devient trop vieux.

POURQUOI DEVIENT-ON POÈTE* ?

Il ne le sait pas, il ne sait pas et il sait de moins en moins mais, il regarde partout lorsqu'il marche, il cherche sans savoir quoi mais, il marche et regarde tout autour de lui tout de même, il ramasse des objets abandonnés, des écrous parfois, oubliés ou tombés de la poche sans importance, il ramasse des mots en passant devant une abbaye, derrière un café ou sur le pont qui mouille dans la rivière sans jamais pouvoir embarquer, il n'a pas d'autre choix, il devient poète.

Le désir fou du poète est de partager ses sensations, ses colères, ses peurs indicibles qu'il tente de faire traverser avec ses seuls outils, les mots.

POURQUOI LA POÉSIE N'EST-ELLE PAS SUR LES RAYONS DES LIBRAIRES OU SI PEU  ?

La lectrice* aime s'identifier or, la poésie n'a pas de personnage phare, la lectrice aime que le sens soit direct or, la poésie est une maison avec de nombreuses portes et si chacun* a sa clef, il semblerait que tous ne sache pas qu'elle se trouve dans sa poche, la lectrice a des souvenirs de récitation or, la poésie n'est pas un concours de mémoire.

J'aime la voir partout mais, je ne la trouve pas sur les rayons des libraires ou si peu.

COMMENT RENOUER AVEC LA POÉSIE ?

Je me souviens d'un professeur d'une classe de troisième, je me souviens même de son nom. Il avait laissé le choix aux élèves d'apprendre par coeur une poésie de François Villon, la balade des pendus ou bien de l'enregistrer sur une musique de notre sélection. J'avais opté pour cette deuxième solution et retenu la musique Funeral Of Queen Mary du film Orange mécanique. Une vrai beauté cette expérience et je m'en souviens si bien.

Je ne sais plus si c'est à ce moment que j'ai appris à aimer la poésie, je ne sais plus quand j'ai commencé à écrire parce que je me suis rendue compte que j'aimais les mots, leurs jeux et leurs images. Mais, j'aimerais que chacun puisse trouver sa balade.

 
* Pour éviter les "un" et les "une", j'utiliserai dans cet article des mots uniques qui exprimeront le féminin et le masculin, le mot poète, le mot lectrice, le mot chacun.

La poésie selon Alain Cespedes : https://youtu.be/0RflwBYmGh8

Témoignages croisés d'écrivains sans roman sur le feu - L'Envolée : http://elodie-agnesotti.com/temoignages-croises/


Et vous, que répondriez-vous ?

jeudi 16 août 2018

Citation, Téo Noteboom

Écrire est pour moi une méditation sur le monde, la seule méthode de réflexion véritable. Quand je n’écris pas, ma pensée n’a pas de forme, et je ne comprends plus rien. Sans cette méditation qu’est l’écriture, ma vie ne serait pas à moi.

Teo Noteboom

Extraits de lecture 100%, Ad infinitum

AD INFINITUM
ou
comment le tablier de ma mère
se déroule dans ma vie

roman traduit de l'anglais (Australie)
par Marie-Odile Fortier-Masek


 

Née en 1950 à Sidney, l’essayiste et romancière Sue Woolfe (qui ne connaît rien aux mathématiques) est considérée comme l’un des auteurs les plus importants du continent australien. Elle a été successivement enseignante, scripte, éditrice et réalisatrice de documentaires. Ici et à jamais (Painted Woman, Allen & Unwin, 1989), son très remarqué premier roman, a été suivi de Leaning Towards Infinity (Faber & Faber, 1996) publié en français sous le titre Ad infinitum (Le Fil invisible, 2003), et de The Secret Cure (Picador, 2003).

Texte sur le derrière de couverture :

Ad infinitum est une équation à trois inconnues, trois femmes – mère, fille et petite-fille – liées par leur appartenance familiale et le monde étrange des mathématiques.

JUANITA se débat constamment entre ses devoirs de femme au foyer et sa passion dévorante de l’abstraction infinie. Elle se console en se persuadant que son fils Matti va prendre la relève et devenir un grand mathématicien.

FRANCES, meurtrie par les abandons répétés de sa mère, hérite de son génie pour les formes, l’ordre et la magie des nombres. Dans une soif éperdue de reconnaissance maternelle, elle consacre sa vie à poursuivre les hypothèses mathématiques de Juanita et à les faire reconnaître.

HYPATHIE, la fille de Frances, tente de comprendre les liens entre les trois femmes à travers l'exploration courageuse de la maternité et du génie, de l'amour et de la trahison.

Drôle, excitant et intelligent, ce livre a quelque chose de triomphant qui vous donne le vertige, celui ressenti sans doute lorsqu'on tend vers l'infini.

Extraits de lecture 100%
:

La ligne reliant deux points est présente avant même que nous la tracions.
P19

A l'époque, je m'affalais dans les fauteuils, bredouillais, m'incrustais chez lez gens, cherchais à combler les pauses entre les mots de mes collègues, sans trop savoir pourquoi, il était rare qu'on me réinvitât à dîner.
P23

En ouvrant l'invitation, je ressentie ce que les mathématiques m'avaient déjà appris, à savoir qu'un nouvel univers prend vie sitôt qu'un espace est dissocié.
P24

Je roulais des mots sur ma langue, telles de minuscules baies de cassis.
P65

Parfois les meilleures raisons ne sont pas des raisons du tout.
P111

Je pense à tout le temps que je perds alors que je pourrais être en train d'écrire, de peindre ou je ne sais quoi si je suis appelée à devenir célèbre.
P114

D'un côté le désir de continuer à jamais, de tendre vers l'infini et de l'autre celui de se retrouver, une fois au but, sans autre aspiration.
P133

Je vais filmer tout ça.
Qu'est-ce que cela expliquerait ? demandai-je.
Que seul ce que les gens connaissent paraît vrai, dit-elle.
Quand au reste, il paraît improbable.
P134

Nombreux les moments que j'aimerais revivre, histoire de changer le rôle que j'ai pu y jouer. Or, chacun de ces moments devient partie intrinsèque de notre personnalité, et le moindre changement donnerait une personnalité si différente qu'elle n'aurait pu appartenir à l'être que nous sommes devenus.
P147

J'adore penser. Je n'entends pas par là examiner tel ou tel point dans le détail, en peser le pour et le contre ou y réfléchir sérieusement, dit-elle.
P159

Je me disais qu'après tout, mon travail ne revêtit sans doute pas une telle importance. Quand j'ai enfin trouvé ce matin la raison de ma venue, cela n'a rien eu d'une révélation, cela ne s'est pas imposé à moi comme une vérité divine. Cela s'est insinué en moi, m'apprivoisant d'une façon si discrète que, plus tard, j'aurais pu croire que cela avait toujours était là, attendant que je me tourne pour regarder. Je me sentie toute bête de ne pas l'avoir vu plus tôt. Cela semblait réel, physique, impeccablement formé, émanant de moi, tout en n'étant pas moi, inéluctable mais d'une chaleureuse intimité. Comme un enfant.
P258

Sans doute remuai-je, grattai-je ou me frottai-je le nez, un de mes réflexes du corps qui a intégré la pensée, mais veut qu'on se rappelle son existence.
P264

Il en a toujours été ainsi pour moi, le savoir s'en va et s'en revient, aussi calme que l'eau. Parfois, il me comble de ses faveurs, parfois il m'abandonne. Alors je m'arrête, au milieu d'une phrase, ayant perdu mes repères. Je redoutais ces passages à vide. Quand j'étais seule, peu m'importait, car je savais qu'il reviendrait.
La réponse était là, comme depuis toujours, aussi évidente que la conjoncture de ma mère après tout ce travail. L'esprit se tourne et la voit. Pour peu que je me tourne au bon moment, pourquoi ne verrais-je pas la réponse à tout, la réponse à ma mère, à mon frère ? Mais je ne voyais jamais ces réponses. Tout ce que je sais, tout ce que je saurai jamais, relève des mathématiques.
P265

Il ne s'agit pas juste d'organiser son temps de façon différente. Un homme peut voir les choses ainsi, pas une femme. Pour une femme, il s'agit de réorganiser son âme.
P269

Ses yeux levés rappelant ceux d'un chat, des yeux qui vous cherchait dans la pièce, un regard dont l'intensité vous isole de votre univers.
P374

La mer était si noire que je n'aurais pu dire où elle devenait ciel.
P393

Mon professeur disait qu'il y en a qui toute leur vie devront se contenter de trouver des exemples intéressants.
P433

Nous ne parlons que de nos enfances. Il semblerait que tout ce que nous ayons en commun, c'est d'avoir été jadis, des enfants.
P443

Je suis loin, bien loin d'être près du but. Je vois parfois cette conjoncture miroiter. Parfois seulement. Sitôt que je regarde, elle s'évanouit. L'ai-je réellement vue scintiller juste avant les douleurs de l'accouchement ? Pourquoi ne puis-je m'en souvenir ? Ni même me souvenir de ce moment d'exaltation où elle a surgi dans mon champs de conscience, me donnant l'impression que tout était si simple... N'aurais-je jamais que le souvenir d'avoir presque découvert quelque chose ?
P447

Un paysage comme celui-ci finit à la longue par devenir votre paysage intérieur.
P452

Parfois, les idées se précipitent, bouleversent tout sur leur passage. Je les redoute autant que je les aime.
P453

Il m'arrive de me dire que le modèle de la conjoncture est déjà en moi, et qu'il ne me reste plus qu'à attendre qu'il se manifeste.
P453

C'est si facile de lui plaire, si difficile de me plaire.
P467

Avec le sevrage, ce flot entre nous faiblira. Je suis aux prises avec mes regrets. Regret de n'avoir jamais saisi le moment, regret de n'avoir jamais dit que je devrais vivre pleinement ces instants avec mon bébé, regret de savoir que ces instants avec lui ne reviendront jamais. Au lieu de cela, j'étais toujours impatiente, je n'avais qu'une envie, revenir à mes mathématiques. Je voulais vivre et, pour moi, les mathématiques étaient la vie. Le temps a donc repris le bonheur qu'il me tendait et tout ce qui me reste ce sont de misérables griffonnages dans un cahier.
P467

mercredi 15 août 2018

La nébuleuse Hélix


HÉLIX, LA NÉBULEUSE

 

En 2004, le célèbre télescope spatial Hubble partageait avec le monde entier un portrait “haut en couleur” de la nébuleuse Hélix.

Référence : NGC 7293
Nom : nébuleuse Hélix
Type : nébuleuse planétaire
Constellation : Le Verseau*



Hélix est une nébuleuse planétaire située à environ 700 années-lumière de la Terre, probablement l'une des plus proches.

Malgré un diamètre apparent équivalent à la moitié de celui de la Pleine Lune et bien qu'étant très fournie en étoiles, (mais aucune ne se révélant plus brillante que la troisième magnitude), elle reste assez difficile à repérer. 

Elle s'est formée lorsqu'une étoile semblable à notre soleil a explosé, avant de se contracter en naine blanche et d'expulser ses couches externes vers l'espace. Actuellement, le rayonnement de son noyau central irradie et réchauffe cette matière, qui se parent de couleurs vives fluorescentes. Mais la nébuleuse planétaire ne durera pas très longtemps à l'échelle astronomique. En environ 10.000 ans, ses volutes brillantes se faneront irrémédiablement, abandonnant naine blanche et comètes au froid glacial et sombre d'un espace vide.

Les astronomes, après avoir longtemps étudié la naine blanche, ont détecté un disque diffus de poussière qui l'entoure. Mais d'où provient cette poussière ? Selon eux, elle résulterait des nombreuses comètes peuplant la frange externe de ce système stellaire, qui entrent sans arrêt en collision en parsemant l'espace de débris de plus en plus fins. Il y a quelques millions d'années, avant la formation de la naine blanche, ces comètes, ainsi que probablement des planètes, parcouraient des orbites stables et voyageaient harmonieusement autour de l'étoile. Mais lorsque celle-ci a explosé, toutes les planètes intérieures ont été englouties tandis que les planètes extérieures, ainsi que les comètes, auraient alors été précipitées vers des orbites chaotiques.

Notre propre système solaire devrait subir une transformation semblable dans environ cinq milliards d'années. 



*Le Verseau est une très ancienne constellation, placée dans une région du ciel vouée à la mer en raison d'une abondance de constellations aquatiques.

Constellations limitrophes : Aigle - Baleine - Capricorne - Dauphin - Fleuve Eridan - Pégase - Petit Cheval - Poisson Austral - Poissons - Sculpteur

Nom Français : Verseau
Nom latin : Aquarius
Génitif : Aquarii
Abréviation : Aqr

mardi 14 août 2018

Leurs and my time, Yves Bonnefoy

Leurs and my time : c'est l'heure, j'attrape un de leur poème, je récupère une partie de leur vie et j'écris un poème @Bleue.


Yves BONNEFOY (1923 - 2016 >  93 ans)

Né un 24 juin à Tours, mort à Paris le 1er juillet 2016, poète, critique d'art et traducteur français. Il est considéré comme un poète majeur de la seconde moitié du XXe et du début du XXIe siècles.
Il a passé les baccalauréats de mathématiques et de philosophie au lycée Descartes de Tours, où il fit la lecture, déterminante, de la Petite Anthologie du surréalisme de Georges Hugnet, prêtée par le professeur de philosophie. Il a fait des études de mathématiques, d'histoire des sciences et de philosophie dans les classes préparatoires du lycée Descartes, puis à l'université de Poitiers, et à la Sorbonne, lorsqu'il décida en 1943 de s'installer à Paris et de se consacrer à la poésie.
Il définira la poésie comme étant une « articulation entre une existence et une parole ». Toute œuvre poétique est le fruit d'une existence. Il y a continuité entre l'être du poète, de la poétesse, et sa poésie. La parole se distingue du langage, qui est un système ; elle est une présence, par laquelle se manifeste cette existence. La parole a un caractère vivant, car elle est indissociable de l'être qui la prononce.

Vrai nom

Je nommerai désert ce château que tu fus,
Nuit cette voix, absence ton visage,
Et quand tu tomberas dans la terre stérile
Je nommerai néant l'éclair qui t'a porté.

Mourir est un pays que tu aimais. Je viens
Mais éternellement par tes sombres chemins.
Je détruis ton désir, ta forme, ta mémoire,
Je suis ton ennemi qui n'aura de pitié.

Je nommerai guerre et je prendrai
Sur toi les libertés de la guerre et j'aurai
Dans mes mains ton visage obscur et traversé,
Dans mon coeur ce pays qu'illumine l'orage.

(Du mouvement et de l'immobilité de Douve, (c) Mercure de France, 1953)



Je cherchais
 

Les mots des femmes et je tombais sur son vrai nom
Bonne foi je le jure, sur le mien
Et quand je découvrais, je me rendis compte
Qu'il s'agissait d'un château dont je m'appelais.

Habiter sa tour est un grand pays. Je naguère
Mais plus encore maintenant par mon seul ennui.
Je vais te laisser, ton prénom, ton alphabet,
Je suis celle qui cherche la douce cédille.

Je nommerai femme et je signerai
Sur toi les créneaux de la femme et je pendrai
Dans mes mots obscurs ce vieux château fantôme,
Dans mes illusions ce pays qui penche toujours.

Poème @Bleue, Je cherchais